L’autisme, les fêtes, la famille et les ami·es : fais un effort !
L’autisme et les évènements sociaux, c’est pas toujours le match idéal. Qui ne rêve pas de passer une super soirée faite de discussions animées, de bonne bouffe et d’embrassades ? Qui ne s’éclate pas à rire à gorge déployée, ou à gueuler plus fort que la musique sous les stroboscopes ? Comment ça, toi ? Fais un effort !
Voilà ce qu’on entend souvent, nous, les autistes (ou parents d’enfants autistes), ces êtres bizarres qui ne veulent rien faire comme tout le monde. Et parfois même si ce n’est pas dit à voix haute, on sait que c’est pensé très fort. La période des fêtes, c’est le point culminant de notre courbe d’angoisse. Alors que les fêtes, c’est LE moment de joie pour tout le monde, non ?
Même si les adaptations proposées dans cet article s’adressent aux proches de personnes autistes, il est possible d’avoir la même réflexion pour toutes celleux qui ont besoin de conditions adaptées pour passer le meilleur moment possible.
Petite méthodo facile à l’usage de celleux qui trouvent que c’est pas si simple d’avoir un·e autiste à table pour les fêtes.
L’accès au diagnostic d’autisme est très complexe, pour les enfants comme pour les adultes. On peut donc avoir, dans son entourage, des personnes pour lesquelles il existe des suspicions d’autisme. Ces suspicions peuvent perdurer des mois, voire des années. Attendre la confirmation médicale du diagnostic avant de mettre en place des adaptations nuit alors au bien être de la personne concernée.
S’interroger sur l’objectif des moments festifs
Avoir envie de réunir sa famille ou sa bande de potes autour de soi en cette fin d’année, quoi de plus légitime ?
Noël, c’est la plupart du temps l’occasion de se retrouver en famille, parfois élargie. Pour Nouvel An, on va chercher le coté festif et amical. Dans les deux cas, l’objectif semble le même : passer un moment symbolique entouré de proches, dans la bonne humeur et le partage, et fêter dignement ces retrouvailles. Peu importe la forme finale de la fête, du repas de famille posé à la soirée débridée, une chose est sûre : ne pas y aller, ça ne passe pas. « Saborder » les festivités en faisant entendre que les options proposées ne conviennent pas à toustes, c’est se mettre en marge, être un sale gosse capricieux. Et culpabiliser.
Revenons à l’objectif : Retrouvailles, partage et convivialité. Y a-t-il de la place pour toustes dans ces moments ? Si la réponse est non, l’objectif n’est pas celui qu’on croit. Il est plus égoïste, ou normatif. On se réunit parce qu’il le faut. Il est alors nécessaire de le faire d’une manière arbitrairement décidée, par une ou plusieurs des personnes présentes au détriment des autres. Pas vraiment l’idée qu’on se fait d’une convivialité partagée.
Si on tente de faire entrer à tout prix la pièce ronde dans le trou triangulaire, on prend le risque d’abimer à la fois la pièce et le support.
Petit tour d’horizon de ce qui peut être fait pour mettre un peu plus de douceur dans tout ça.
Avoir en tête quelques principes généraux
Les besoins des personnes autistes se déclinent globalement autour des mêmes thèmes, même s’ils peuvent se préciser différemment d’une personne à une autre, selon son âge, l’environnement et tout simplement sa personnalité.
Le besoin de prévoir :
Il est infiniment moins stressant pour un·e autiste de savoir précisément où iel met les pieds. Aussi tous les détails qui peuvent être donnés à l’avance sont les bienvenus. Par exemple :
- Le nombre d’invité·es et leurs identité
- Le déroulement de la soirée (activités prévues, heure approximative du début de repas, heure d’ouverture des cadeaux…)
- Le repas (les différents plats et ingrédients, pas seulement « on mange de la dinde »)
- Le placement à table
- Les modalités d’hébergement si la nuit est passée sur place
Pour un·e enfant, on peut ajouter tout ce qui le préoccupe, y compris avec qui iel pourra jouer, jusqu’à quelle heure, quand seront donnés les cadeaux, s’iel pourra sélectionner son alimentation, etc.
Le besoin de non jugement :
La plupart des personnes autistes ont des difficultés à exprimer leurs besoins, soit par difficulté à communiquer, soit par sentiment de non légitimité. La première façon d’aider est d’abord de rassurer en se montrant non jugeant·e avant, pendant et après l’évènement festif. De considérer que, par exemple, si la personne porte un casque à réduction de bruit, ce n’est pas pour accuser les autres de faire trop de bruit, mais pour répondre à son hypersensibilité auditive.
On peut aussi simplifier les choses en allant au devant des demandes : Interroger sur les besoins, répondre très honnêtement sur ce qui est faisable ou pas, trouver des solutions de rechange lorsque c’est possible. Préférer faire ces demandes en privé plutôt que sur une messagerie commune, qui peut être intimidante et complexe à suivre.
Sur place, informer la personne et/ou le parent de ce qui a été prévu, de l’endroit où l’isolement est possible, et du niveau d’information des autres convives permet d’éviter les quiproquos.
Les points de friction
Les points les plus récurrents dans les moments de convivialité, qui risquent donc d’être des sources d’incompréhension ou de désaccord.
L’alimentation
Les autistes ont souvent des rigidités alimentaires. Ce ne sont pas, encore une fois, des caprices, mais de réelles impossibilités devant certains aliments ou certaines textures. Ce n’est pas un rejet de la personne qui cuisine, même si celle-ci a voulu faire plaisir en proposant un aliment qu’elle pensait ok. Forcer un·e enfant ou un·e adulte autiste à manger malgré son dégoût ne mène qu’à des tensions et des situations de mal être.
Que proposer à la petite dernière qui ne mange que des frites ? C’est assez simple : des frites. Elle sera soulagée, son entourage aussi, et si c’est un point d’incompréhension, il sera toujours temps de l’évoquer un autre jour, ou de s’informer sur ces difficultés en mettant de coté ses idées reçues.
Les transitions et les imprévus
Ce sont souvent les moments les plus complexes, surtout pour les enfants. Les adultes autistes « prennent sur elleux » pour mieux gérer leurs émotions, mais n’en sont pas moins contrarié·es. On ne peut pas prévoir l’imprévu, mais on peut informer au plus vite, en expliquer la raison et rassurer si possible sur la suite des évènements.
Si des imprévus surviennent, la personne autiste, enfant ou adulte, peut réagir brusquement, sembler avoir du mal à accepter : il ne faut pas attendre d’adhésion immédiate mais plutôt accompagner au changement en montrant que d’autres choses n’ont pas changé, que la personne est toujours en sécurité.
L’énergie
Les personnes autistes disposent de réserves d’énergie moindres et ne peuvent rien y faire. Il ne faut pas s’étonner de coups de barre soudains, ou d’un épuisement non détecté par l’entourage. Encore une fois, pas de mauvaise volonté, juste une différence parfois complexe à comprendre par les proches qui n’ont pas les mêmes ressentis.
Les remarques telles que « T’es déjà fatigué·e ?? » ou « Demain on ne traîne pas au lit ! » sont souvent très angoissantes, et pointent du doigt ce qui est vécu comme des incapacités. Le respect d’un rythme différent permet au contraire de se sentir plus légitime dans ses besoins, et de ne pas pousser jusqu’à l’épuisement pour « faire plaisir ».
Le besoin de s’isoler :
Les adaptations mises en place peuvent ne pas suffire, sans que ce ne soit la faute de personne. Une personne autiste a régulièrement besoin de s’isoler pour différentes raisons, tels que la fatigue ou le trop plein sensoriel.
Ce besoin n’est pas un caprice, ni une manière de bouder la soirée. Il ne s’agit pas d’une offense que les autres invité·es doivent prendre pour elleux. il s’agit d’un aménagement nécessaire pour ne pas devenir désagréable, craquer ou ne plus savoir gérer son comportement. Les personnes concernées sont souvent très chagrinées de devoir faire avec, et mal à l’aise de quitter l’assemblée. Il est donc préférable de ne pas ajouter à leur mal être, mais au contraire de leur montrer que ça ne pose aucun problème.
Le besoin d’isolement est souvent immédiat : ce n’est pas le moment d’insister, de demander des justifications ou des explications, même si on ne comprend pas. C’est valable autant pour les enfants que pour les adultes.
Une pièce ou un endroit à part, avec un fauteuil, un canapé, ou un lit, de la lumière tamisée, une bouteille d’eau, est souvent suffisante, pourvu qu’on respecte le temps de repos nécessaire.
Affiner en fonction de la situation
Chaque personne autiste fonctionne différemment, et s’il est possible de proposer des généralités comme ci-dessus, elles ne sont sans doute pas suffisantes. S’adresser aux personnes concernées pour comprendre au mieux leurs besoins est essentiel.
« Comment puis-je faire en sorte que tout se passe bien pour toi/pour ton enfant ? » est une demande assez simple à formuler. Demander des précisions, les points les plus importants ou non négociables.
Même si la personne est entourée de proches, il peut être difficile pour elle d’être touchée physiquement à cause de son hypersensibilité tactile. Mais ce besoin est très variable : d’autres personnes autistes peuvent au contraire apprécier les câlins.
Les conditions peuvent varier : on peut par exemple inviter un·e autiste chez soi, ou être reçue par une autiste. Même si cette deuxième option peut sembler moins contraignante, c’est souvent une situation éprouvante car la présence d’invité·es va venir mettre à mal les routines de la personne, changer son environnement et son rythme. Il est alors très important de respecter ses demandes, même si elles paraissent contraires aux habitudes.
Une personne autiste qui refuse de l’aide (par exemple débarrasser la table) ne le fait pas forcément par politesse, mais peut-être parce qu’elle a besoin d’effectuer une tâche en solitaire pour mieux évacuer ou contrôler son environnement.
Accepter de ne pas forcément tout réussir du premier coup
S’adapter c’est aussi tâtonner, essayer des choses et réaliser qu’elles sont finalement inutiles, ou moins bénéfiques qu’on ne le pensait. Ce n’est pas pour autant un échec, juste un cheminement réalisé avec la personne pour trouver avec elle ce qui le convient le mieux.
Il arrive aussi que chacun·e fasse au mieux de ses possibilités, mais que cela ne suffise pas à éviter un moment compliqué, une crise, une difficulté. Personne n’est alors à blâmer : s’il était possible de tout contrôler, ce serait bien plus simple.
Faire un bilan après les évènements festifs peut-être utile pour comprendre ce qui a fonctionné ou ce qui a au contraire posé problème, pour mieux anticiper la prochaine fois.
Et les enfants dans tout ça ?
Si des enfants participent à l’évènement, il est très utile de les sensibiliser en amont sur le fait qu’une des personnes présente a des besoins particuliers.
On peut par exemple leur montrer cette vidéo très pédagogique :
https://youtu.be/RaIOvWR73qY?si=onUWqnrdJ06Ol04z
Quant aux enfants autistes, leurs besoins sont sensiblement les mêmes que ceux des adultes, à ceci près qu’il leur est sans doute encore plus compliqué de les exprimer et qu’iels ont besoins d’explications adaptées à leur niveau de compréhension.
S’appuyer sur les proches qui les accompagnent au quotidien est une bonne solution, mais il est important de montrer qu’on s’intéresse à leur bien être en leur exprimant directement certains questionnements.
Qu’est ce que ça coûte de s’adapter, finalement ?
Personne ne prétend que c’est toujours simple et intuitif. Il faut accepter que les personnes qui nous entourent, celles qu’on aime, n’ont pas exactement les mêmes besoins que nous. Personne ne nous l’apprend, ni à l’école ni plus tard. Nous ne vivons pas dans une société qui accepte la différence. Sommes nous pour autant forcée de faire de même ?
Et si les fêtes étaient l’occasion d’un premier pas vers plus de tolérance ?
C’est souvent en relâchant un peu la pression sociale, en prenant de la distance avec les convenances et le moule qu’on nous a fait apprendre, qu’on réalise que s’adapter n’est pas impossible, et souvent moins couteux qu’on ne se l’imagine. Qu’on peut apprendre un tas de choses, mais surtout, accepter de ne pas être parfait.
Accepter de dire « je ne sais pas comment t’apporter ce dont tu as besoin pour te sentir bien, mais je suis prêt à écouter sans juger » est souvent le pas le plus complexe. Le reste n’a rien d’insurmontable : il s’agit la plupart du temps de détails techniques, de petits aménagements, et de changer ses habitudes.
Les personnes autistes ne seront pas les seules à bénéficier d’une volonté d’adaptation : Une famille, ou un groupe d’ami·es, n’est pas composé de clones identiques et chacun a des besoins légèrement différents, en terme d’alimentation, de confort, de santé, etc.
Pourquoi ne serait-ce pas le moment d’accorder à chacun·e les petites particularités qu’on ne s’est jamais autorisées ? Le premier cadeau à se faire aux un·es et aux autres, c’est sans doute de s’accepter tel·le qu’on est.
Petite Loutre
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