S'est terminé hier soir le marathon des conseils de classe du LGT dont j'assurais la présidence. Fatigue générale, déprime saisonnière ? l'avant-dernier conseil s'est soldé par une ambiance un peu pénible, menée par deux enseignantes et un enseignant de mauvais poil. Est arrivé le cas d'un élève aux résultats brillants, mais qui se contrefout de l'histoire-géo comme de sa première barboteuse. Ça transpire dûment dans l'appréciation générale.
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Se pose la question d'une mention positive ou pas (la terrible médaille en chocolat des félicitations, compliments et encouragements). Le collègue d'histoire-géo, homme intègre et juste, indique qu'à ses yeux, et malgré l'excellence de ses notes, la façon dont l'élève a pu se comporter dans son cours justifie difficilement les félicitations à ses yeux. (Notez les précautions oratoires.)
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Petite levée de bouclier de trois collègues susmentionnés, à coups de “oh ben quand même” et de “il a 17 ou 18 presque partout”.
Débat. Face aux trois, deux autres collègues sont mi-figue, mi-raisin. Je tranche donc en lui refusant cette demi-médaille, au motif que l'estime qu'on porte à un élève dépend moins de ses capacités scolaires que de ses qualités humaines. Je sens que ça grinche un peu, mais c'est moi qui emporte la décision, donc on passe au cas suivant.
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Ce matin, délégation des trois enseignants dans mon bureau, pour plaider la cause de l'élève en question: il a appris hier soir qu'il n'avait pas les félicitations et le vit mal, il a peur que ça pèse dans Parcoursup, il pense que le prof d'histoire lui en veut, il est alarmé, il risque de décrocher, etc.
Je suis resté très calme, mais ç'a été au prix d'une bonne inspiration.
Le pauvre vit mal de passer à côté d'une médaille en chocolat qu'il a toujours eue jusqu'ici ?
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Il croit que ça va jouer sur Parcoursup, alors que c'est totalement faux ?
Et pourquoi s'alarme-t-il ? Parce que sa nonchalance jusqu'ici ne lui avait jamais pété à la figure ? Avec 17,67 de moyenne, puisqu'on ne cesse de me rappeler ce chiffre sans aucun sens, il menace de fucking décrocher, lui qui est parfaitement adapté au système scolaire ?
Non, qu'ils ne me fassent pas rire.
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Mon discours passe mal. On essaie de me faire comprendre qu'avec un niveau aussi brillant, il ne faut surtout pas lui fermer de portes pour le supérieur.
Je réponds que les seules portes qu'il pourrait se fermer, ce garçon, sont celles dont il se sera rendu coupable avec son comportement de petit roi habitué à ce qu'on lui déroule le tapis rouge au motif qu'il est brillant.
Arrive alors l'argument qui va sérieusement me tendre : « Oui, mais c'est dans sa nature d'être un peu bougeon. »
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Dans sa nature ? Dans sa fucking nature ? C'est donc naturel de savoir répondre de la sorte aux attentes de l'École avec une telle constance dans toutes les matières, et de se comporter comme un roitelet sans substance ? D'obtenir des résultats qui confinent à l'excellence et d'à côté penser que cela lui donne des droits qu'on observe dans pas mal de cours mais qu'on met sous le tapis au nom d'une “prime à la brillance” ?
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Ç'a recommencé à grincher. Alors j'ai sorti ce qui me démangeait depuis la veille, moi aussi.
« Maintenant, prenons s'il-vous-plaît le cas de L., dans la même classe. Pour elle, la question des bavardages n'a même pas fait débat et on lui a sucré les félicitations sans la moindre hésitation. Pourquoi ?
— Ah, mais L. n'est pas au même niveau, quand même.
— Elle a 16,43 de moyenne. C'est de l'excellence au même titre. Mais elle semble avoir une tare que n'a pas son comparse : c'est une fille. »
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Silence gêné. J'ai appuyé.
« Voyez comment cela se passe : même en terminale, on accepte encore que les garçons puissent se comporter comme des zouaves, parfois, tant que cela n'entache pas leurs résultats. Mais qu'une fille fasse de même, qu'elle sorte un peu de l'image policée et bien sage qu'on attend d'elle et bim ! on lui tombe sur le dos. Alors non, vous comprenez, si on veut vraiment lutter pour l'égalité de tous, on ne va pas féliciter A.
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On ne va pas féliciter A. parce que ce serait encore une fois servir le message de la prime à l'excellence aux dépens de ce qui doit faire de nous des gens aptes à vivre ensemble. Si A. nous fait le coup de la déprime et du décrochage, je serai ravi de le recevoir pour lui mettre les baffes qu'il mérite depuis belle lurette. Vous savez que je ne suis pas fan des notes ; vous découvrez maintenant que je fais même passer d'autres choses bien avant ce que montre un bulletin.
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Passez le mot : si on veut que le monde avance, il faut commencer par nous. »
J'ai été un peu trop martial, mais ça couvait depuis un petit bout de temps. C'est l'avatar des gros lycées de centre-ville qui roulent sur la réputation d'excellence qu'ils possédaient au XIXe quand ils étaient le passage seul et obligé d'une jeunesse chanceuse de recevoir un enseignement poussé. Ça change tout de même, petit à petit.
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À toutes fins utiles, je voudrais préciser que je n'en veux pas spécifiquement à ces enseignants. La question fait partie des héritages impensés de l'École, et l'énergie que je déploie à remettre ces questions sur le métier m'empêche de penser d'autres choses qui mériteraient de l'être. C'est tout l'intérêt d'être plusieurs et de partager l'envie d'œuvrer ensemble.
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@jesuismonsieurb >.< j'avais lu bourgeois à la place de bougeon.
@alex Je présume que je dois me sentir heureux de ne pas être le seul alors
@jesuismonsieurb Bien vu et merci. (et en plus il vaut mieux que le gamin se reçoive ce genre de petite baffe à cet âge-là que des plus grosses plus tard sans qu'il comprenne ce qui lui arrive).
Non, t'inquiètes, j'ai été cet élève avec des 18 d'un côté, des note catastrophique d'un autre.
J'ai eut ni félicitations, ni encouragement, je l'ai régulièrement moyennement vécu pendant 2 jours et c'est tout.
Dans les dossiers, les écoles préfèrent de toute manière un élève qui passe à coté de matière parcequ'il fout rien qu'un élève avec les même note parcequ'il s'arrache dans certaines matières.
Si il veut encouragement ou félicitations, qu'il les mérites.
@jesuismonsieurb
Soutien.
Jamais je me serais permis de venir dans un bureau pour remettre en cause une décision de conseil de classe...
Après, je suis un mousse dans l'EN.
Question : Si c'est acté (d'une façon ou d'une autre) au conseil de classe, il n'y a pas (juridiquement) que le conseil de classe qui peut modifier cette décision ?
@nicolay_lilicre C'est le président du conseil qui signe le bulletin, c'est à lui que revient le dernier mot. L'usage, pour des raisons évidentes, est d'aller vers un consensus.
@jesuismonsieurb
Ok, merci pour le retour.
Au collège, je n'ai jamais eu en dessous de 18 de moyenne.
En 4e, deuxième trimestre, mon prof de latin a mis son véto pour des félicitations (je foutais rien en latin, il avait donc raison et j'étais un petit con).
J'étais délégué, je l'ai donc vécu en direct.
J'étais très déçu (forcément mais malgré la surprise je trouvais ça juste). Les autres profs étaient peut-être encore plus déçu que moi ("le latin c'est une option" ; "on ne peut pas le pénaliser pour une discipline optionnelle" etc.).
Moralité : Le trimestre d'après, j'ai eu 19 de moyenne et un 18 en latin... Et des félicitations !
@nicolay_lilicre @jesuismonsieurb Quoi réfractaire au latin ? Je suis choquée
@keslerisabelle
Réfractaire à ce prof.
J'ai toujours adoré le latin, ça m'a permis de mieux comprendre la construction grammaticale en Allemand.
@nicolay_lilicre @jesuismonsieurb ouf je suis rassurée. Même système avant d'être prof de latin
@jesuismonsieurb merci pour lui et pour elle
@jesuismonsieurb@framapiaf.org
haha mon grand a eu son CC hier soir, il n'a pas eu les félicitations. Je lui ai dit que son comportement a primé sur ses notes (très bonnes par ailleurs) et qu'il l'a bien mérité. Je crois qu'il va s'en remettre.
(ha non pardon : il s'en est déjà remis)
@jesuismonsieurb Je ne sais pas si ça aurait du sens au lycée. Mais dans mon collège on a supprimé les mentions et les mises en garde.
Et c'est fou comme les conseils se passent mieux et sont devenus plus intéressants.
@Janvanhouten Quels étaient les arguments pour convaincre les collègues de tout enlever ?
@meunierloic L"argument principal c'est que les élèves comme les enseignants se focalisent trop dessus. On a l'impression que ça masquait les avis, et qu'en plus de on ne parlait que de ça lors des conseils où on débattait pendant des heures pour pas grand chose.
Cet abandon s'est accompagné d'une refonte du bulletin, par exemple on a décidé de faire attention au vocabulaire et de se concentrer sur les conseils pour essayer de le rendre plus compréhensible et utile pour des collégiens.
@jesuismonsieurb bravo. Bon les parents vont peut-être rappliquer maintenant.
@jesuismonsieurb Bien envoyé.
@jesuismonsieurb plus j'avançais dans ton récit plus je me disais "c'est UN élève, ya un énorme biais de genre dans ce jugement de félicitations sur les notes, avec excuses sur le comportement insupp, ça se passerait pas comme ça pour une fille", et bim
@jesuismonsieurb Masterclass *standing ovation*